Histoires de la communauté de la SLA
L’expérience de la SLA est différente pour chaque personne et s’accompagne d’un ensemble unique de défis qui suscitent l’inspiration et l’espoir. C’est en partageant ces expériences que nous pouvons nous entraider.
Travailler pour améliorer la vie des Canadiens touchés par la SLA – Questions et réponses avec le Dʳ Lorne Zinman
Directeur de la clinique de la SLA et des maladies neuromusculaires au Sunnybrook Health Sciences Centre, un hôpital de recherche et d’enseignement affilié à l’université de Toronto
13 mars 2023
Il faut toute une communauté pour lutter en faveur des personnes vivant avec la SLA. Cela se produit à plusieurs niveaux. Les incroyables spécialistes de la SLA, qui travaillent jour après jour pour faire la différence, sont des acteurs importants de ce combat.
Nous nous sommes entretenus avec le Dʳ Lorne Zinman pour mettre en lumière l’importance d’un diagnostic précoce, pour souligner son travail avec les patients atteints de SLA et pour découvrir ce qui lui donne de l’espoir pour l’avenir.
Outre la direction de la clinique multidisciplinaire de la SLA et la conduite d’études cliniques évaluant les traitements les plus prometteurs de la SLA, le Dʳ Zinman mène des recherches visant une meilleure compréhension des phénotypes et variantes cliniques, électrophysiologiques et pathologiques de la maladie. Il est le fondateur et le premier président du Réseau canadien de recherche sur la SLA. Sa priorité est de trouver de nouveaux traitements et d’améliorer la vie des personnes atteintes de SLA.
Q : Dʳ Zinman, merci beaucoup d’avoir pris le temps de nous parler aujourd’hui. Pourriez-vous d’abord nous expliquer ce qu’est la SLA?
Dʳ Zinman : La SLA est une maladie neurodégénérative progressive des motoneurones. Une personne atteinte de SLA commence à perdre les cellules nerveuses qui contrôlent les muscles. La maladie débute généralement dans une région et se propage progressivement à l’ensemble du corps.
Chez certains patients atteints de SLA, les motoneurones des bras ou des jambes sont les premiers à disparaître, ce que l’on appelle la SLA spinale. Chez d’autres, la maladie peut débuter par l’atteinte des muscles de la bouche et affecter la parole et la déglutition, ce qu’on appelle la SLA bulbaire. Quelle que soit l’atteinte initiale, la maladie progresse généralement d’une région du corps à l’autre et entraîne l’incapacité des patients à bouger leurs bras, leurs jambes, à parler ou à déglutir et, finalement, à respirer. Malheureusement, la plupart des patients décèdent dans les trois à cinq ans suivant l’apparition des symptômes.
Environ 5 à 10 % des patients atteints de SLA ont des antécédents familiaux de la maladiei, et chez ces cas, nous pouvons la plupart du temps identifier le gène responsable. Toutefois, dans la majorité des cas, il n’y a pas d’antécédents familiaux et nous ne comprenons pas pourquoi ces patients ont développé la SLA.
Q : Quels sont les premiers signes et symptômes qu’une personne peut remarquer?
Dʳ Zinman : C’est un point très important à souligner, car cette maladie insidieuse passe souvent inaperçue et le diagnostic de SLA n’est posé qu’un ou deux ans après l’apparition des symptômesii.
Dans le cas d’une SLA spinale qui débute dans les bras, les premiers symptômes peuvent être une faiblesse de la main qui cause des difficultés à ouvrir une bouteille d’eau, à tourner une clé ou à utiliser un coupe-ongles, par exemple. Si la SLA commence par une faiblesse de la jambe, la personne peut présenter un syndrome du pied tombant, des difficultés à marcher et à monter les escaliers. Dans le cas de la SLA bulbaire, les patients ont d’abord des difficultés à articuler et ensuite, à déglutir.
La SLA est considérée comme une maladie insidieuse, car il n’y a pas de changements soudains et l’évolution de la maladie est linéaire au fil du temps. Elle commence souvent lentement dans une région du corps et s’étend ensuite au reste du corps.
Q : Vous avez mentionné que la plupart des patients ne reçoivent pas le diagnostic avant un ou deux ans — Pourquoi cela prend-il tant de temps?
Dʳ Zinman : L’une des raisons pour lesquelles la SLA est si difficile à diagnostiquer est qu’au début, lorsqu’une seule partie du corps est touchée — par exemple, la personne ne ressent qu’une légère faiblesse de la main ou de la jambe — les symptômes sont sous-estimés et souvent attribués à d’autres causes plus courantes par les patients et les médecins. La SLA est extrêmement difficile à diagnostiquer dans sa phase initiale et le diagnostic définitif n’est posé que lorsque la perte des motoneurones s’est étendue à d’autres régions du corps et que d’autres causes plus courantes ont été écartées.
La seconde raison pour laquelle la SLA est si difficile à diagnostiquer est qu’il n’existe pas de biomarqueur diagnostique fiable pouvant être facilement mesuré contrairement à une maladie telle que le diabète où un médecin traitant peut demander une simple analyse de sang, un test de glycémie à jeun par exemple et les résultats confirmeront si le patient est atteint ou non de la maladie. Ce test n’existe pas pour la SLA et nous menons plusieurs études pour trouver un biomarqueur fiable afin d’accélérer le diagnostic de la SLA. D’ici là, nous continuerons à diagnostiquer la SLA en confirmant la présence d’une dégénérescence diffuse des motoneurones qui s’est étendue au fil du temps et en écartant les autres causes potentielles.
Q : Pourquoi un diagnostic plus précoce est-il si important pour les patients atteints de SLA?
Dʳ Zinman : Le plus tôt nous pouvons diagnostiquer la SLA, le plus tôt le patient peut consulter notre équipe multidisciplinaire de la SLA, ce qui améliore considérablement la qualité de vie et l’espérance de vieiii. Un diagnostic plus précoce signifie également que les patients ont plus de chances d’être admissibles aux traitements de la SLA approuvés par Santé Canada qui ralentissent la progression de la maladie.
Un diagnostic précoce est par ailleurs important pour la recherche, car il augmente la probabilité de participation des patients à des études cliniques. Comme pour d’autres maladies, telles que le cancer, nous pensons qu’une intervention précoce est le meilleur moyen de ralentir la progression de la neurodégénérescence. C’est comme éteindre un feu de camp avant qu’il ne se transforme en feu de forêt. Le plus tôt possible est donc le mieux.
Q : Pouvez-vous nous parler plus en détail d’une clinique de la SLA et de la raison pour laquelle il est important d’orienter les patients immédiatement vers une telle clinique?
Dʳ Zinman : La SLA peut toucher tout le corps et entraîner une paralysie complète. Elle nécessite donc vraiment une équipe de spécialistes en mesure de fournir des soins efficaces. Les neurologues spécialisés dans la SLA font partie d’une équipe multidisciplinaire qui réunit généralement une infirmière, un ergothérapeute, un physiothérapeute, un orthophoniste, un diététicien, un pneumologue, un inhalothérapeute, un spécialiste des soins palliatifs, un physiatre et un travailleur social. Les représentants régionaux de SLA Canada jouent également un rôle majeur dans la prise en charge. Des équipes multidisciplinaires spécialisées en soins de la SLA adoptent une approche holistique, soutenant les patients et les membres de leur famille tout au long de l’évolution de la maladie.
En fait, des études ont montré que les patients qui ont accès à une équipe multidisciplinaire spécialisée en soins de la SLA ont une qualité de vie nettement meilleure que ceux qui n’y ont pas accèsiii. Bien que nous ne puissions pas encore guérir la maladie, il y a beaucoup de choses que nous pouvons faire pour améliorer le fonctionnement quotidien des patients. Par exemple, nous pouvons aider les patients à obtenir des aides à la mobilité, des dispositifs de communication, des suppléments nutritionnels et des dispositifs d’assistance respiratoire. Il est aussi possible d’organiser l’accès à la communauté pour optimiser les soins et améliorer la qualité de vie.
Il faut un village pour s’occuper d’un patient atteint de SLA et les soins multidisciplinaires sont essentiels.
Q : Comment pouvons-nous commencer à écourter le délai de diagnostic pour les personnes susceptibles d’être atteintes de SLA?
Dʳ Zinman : Je pense que cela commence par un renforcement de la sensibilisation à la SLA. Malheureusement, de nombreuses personnes ne savent pas encore ce qu’est la SLA – elle n’est pas aussi bien connue que d’autres maladies neurodégénératives – telles que la maladie d’Alzheimer ou la maladie de Parkinson. La SLA n’est pas présente à l’esprit des gens et ce n’est généralement pas la première chose à laquelle ils pensent lorsqu’ils ont du mal à ouvrir une bouteille d’eau, par exemple. De plus, et heureusement, la SLA est une maladie rare et la plupart des médecins traitants ne verront qu’un ou deux cas au cours de leur carrière.
Une sensibilisation accrue à la SLA peut aider les patients et les médecins traitants à reconnaître les symptômes plus tôt dans l’évolution de la maladie. Les tests nécessaires et l’orientation vers un neurologue se feront ainsi plus rapidement, ce qui raccourcira le délai entre l’apparition des symptômes et le diagnostic.
Q : Travailler dans le domaine de la SLA doit parfois être difficile sur le plan émotionnel, qu’est-ce qui vous donne de l’espoir?
Dʳ Zinman : Au cours des deux dernières décennies passées à la prise en charge des patients atteints de SLA, j’ai été enthousiasmé par le courage et la détermination de ces personnes et je continue à m’émerveiller de l’incroyable dévouement de leurs familles et de leurs amis.
Les patients et les membres de la famille qui sont touchés par la SLA incarnent le meilleur de la nature humaine. Je vois à quel point la volonté des patients qui luttent contre cette terrible maladie est forte et combative. Ils vivent au jour le jour, restent dans le moment présent et se concentrent sur tous les éléments positifs de leur vie. Je suis témoin du meilleur de l’humanité lorsque je vois des membres de la famille et des proches aidants incroyables qui se dévouent avec abnégation pour répondre aux besoins de leur proche, quels que soient les obstacles.
Nous partageons le même sort et, avec mes collègues et partenaires concernés par la SLA, nous poursuivons nos efforts pour trouver des solutions qui amélioreront le quotidien de nos patients. Nous n’avons jamais autant eu espoir d’un avenir meilleur.
i National Institute of Health (NIH). Amyotrophic Lateral Sclerosis (ALS) Fact Sheet. Disponible à l’adresse : https://www.ninds.nih.gov/amyotrophic-lateral-sclerosis-als-fact-sheet. Consulté le 22 novembre 2022.
ii Hodgkinson VL, Lounsberry J, Mirian A, et al. Provincial differences in the diagnosis and care of amyotrophic lateral sclerosis. Can J Neurol Sci. 2018 Nov;45(6):652-665.
iii Van den Berg JP, Kalmijn S, Lindeman E, et al. Multidisciplinary ALS care improves quality of life in patients with ALS. Neurology. 2005 Oct 25;65(8):1264-7.