Optimiser la nutrition dans la SLA

Questions et réponses avec Mme Madura Arunasalampillai, MSc Pdt., nutritionniste clinicienne à la clinique de la SLA du Centre universitaire de santé McGill (CUSM).

mars 13, 2023
Headshot - Madura Arunasalampillai, MSC. RD

Les soins multidisciplinaires sont essentiels pour les personnes atteintes de SLA. Comme nous le disons souvent, toute une communauté doit se battre pour les personnes touchées par cette maladie. Les diététiciens représentent un maillon important de cette équipe de soins, car ils fournissent non seulement des conseils, mais ils soutiennent et encouragent également les personnes atteintes de SLA, ainsi que leurs soignants et leurs familles.

Nous nous sommes entretenus avec la nutritionniste clinique Mme Madura Arunasalampillai, afin de discuter du rôle de la nutrition dans l’évolution de la maladie, de la façon dont elle appréhende les obstacles nutritionnels habituels auxquels font face les personnes atteintes de SLA, et de ce qu’elle trouve le plus enrichissant dans son travail avec les patients.

Question : Pourquoi la nutrition est-elle importante pour les personnes atteintes de SLA?
Mme Arunasalampillai : La nutrition joue un rôle crucial dans l’évolution de la SLA, à la fois en termes de qualité de vie, mais aussi de ralentissement de la progression de la maladie et d’amélioration potentielle de la survie.i C’est pourquoi elle constitue un élément important de l’approche multidisciplinaire de la gestion de la maladie.

Même si une personne atteinte de SLA a une bonne alimentation, il est toujours utile de discuter du rôle de la nutrition après le diagnostic, afin qu’elle puisse commencer à développer des habitudes saines dès le début. Un diététicien peut enseigner aux patients les bonnes stratégies pour leur permettre de maintenir leur poids et conserver leur énergie, tout en réduisant les défis liés à l’alimentation et les risques associés aux difficultés de déglutition ou à d’autres symptômes de la SLA.

Photo of Patient with Caregiver

Question : Pourquoi la stabilisation du poids constitue-t-elle un objectif si important pour les personnes atteintes de SLA?
Mme Arunasalampillai : Les études ont invariablement montré que lorsqu’une personne atteinte de SLA perd du poids (ce qui inclut une perte de tissu adipeux et de tissu musculaire), le pronostic est dès lors plus défavorable.i,ii À l’inverse, une personne en surpoids ou modérément obèse (IMC de 25 à 35) peut connaître une progression plus lente des symptômes de la maladie et une survie plus longue.i

La nutrition est d’une importance capitale dans la gestion du poids d’une personne, à la suite d’un diagnostic de SLA. Le but premier de la nutrition est ici de stabiliser le poids de la personne. La perte de poids n’est généralement jamais recommandée après le diagnostic, même si la personne présente un surpoids ou une obésité modérée. Ceci semble souvent contre-intuitif pour de nombreuses personnes qui ont essayé de perdre du poids avant le diagnostic.

Question : Quels obstacles existent en matière de maintien du poids des personnes atteintes de SLA et quelles sont les approches nutritionnelles permettant de les surmonter?
Mme Arunasalampillai : Les personnes atteintes de SLA consomment souvent plus d’énergie ou de calories. Cette dépense plus forte est d’abord due aux fasciculations, qui sont des secousses musculaires rapides et involontaires, trop faibles pour faire bouger un membre. Elle peut aussi être liée à la spasticité, qui est une augmentation anormale du tonus musculaire ou de la rigidité des muscles. Elle peut être également causée par un effort accru pour bouger et respirer.

Un diététicien peut aider à faire en sorte qu’un patient consomme la bonne catégorie et la bonne quantité d’aliments afin d’équilibrer ses apports et ses dépenses énergétiques, en s’attaquant à certains des obstacles courants qui limitent l’apport oral.

Les interventions nutritionnelles sont susceptibles de ralentir la perte de fonction et améliorer la survie des personnes atteintes de SLA.

Question : Quels sont les autres obstacles courants en ce qui concerne l’apport nutritionnel ou calorique suffisant pour les personnes atteintes de SLA?
Mme Arunasalampillai : Nous observons différents obstacles communs, notamment la dysphagie, la fatigue accrue, la diminution de la fonction respiratoire, la difficulté à s’alimenter soi-même ou à préparer les repas, la salivation excessive, les intolérances gastro-intestinales, l’anxiété et/ou la dépression.

La bonne nouvelle est que les interventions nutritionnelles peuvent surmonter bon nombre de ces obstacles courants qui limitent l’apport oral. Par exemple, il est possible d’enrichir les repas avec des aliments riches en calories, de veiller à ce que des protéines soient consommées à chaque repas et, dans certains cas, d’ajouter des suppléments nutritifs oraux si nécessaire.

Question : Qu’est-ce que la dysphagie et quelle aide un diététicien peut apporter dans ce domaine?
Mme Arunasalampillai : La dysphagie se définit comme la difficulté à déglutir. Il s’agit d’une problématique pour les personnes atteintes de SLA en raison du risque de pneumonie de déglutition. Cette infection se produit lorsque des aliments, des liquides, de la salive ou des bactéries provenant de la bouche pénètrent dans les poumons.

Il est important qu’une évaluation de la déglutition soit réalisée par un diététicien, un ergothérapeute ou un orthophoniste après un diagnostic de SLA. En fonction des symptômes de la personne et des résultats de l’évaluation de la déglutition, il est possible d’apprendre à la personne à modifier la texture de ses aliments ou la consistance de ses liquides en fonction de ses besoins individuels. Par exemple, si la personne trouve que la mastication prend plus de temps, elle peut éviter les aliments durs et secs comme les granolas, les noix, les graines et même les crudités. Elle pourrait consommer plutôt des aliments bien cuits et mous, et les couper en petits morceaux.

Même si un patient n’éprouve pas encore de problème de déglutition ou d’autres symptômes qui affectent son alimentation, un diététicien peut néanmoins le conseiller sur l’importance de ce point dans l’évolution de la SLA et l’aider à mettre en place rapidement de bonnes habitudes alimentaires qui lui seront bénéfiques au cours de sa maladie.

Photo of Patient with Healthcare Professional

Question : Les personnes atteintes de SLA ont-elles des besoins nutritionnels différents selon le stade de la maladie?
Mme Arunasalampillai : C’est une bonne question. Nous constatons que les symptômes sont en fait un facteur beaucoup plus important dans les besoins nutritionnels que le stade de progression de la maladie. Par exemple, une personne qui marche encore mais qui a beaucoup de mal à le faire (c.-à-d. nécessite beaucoup d’efforts et d’énergie) peut avoir besoin d’un apport calorique plus important qu’une personne en fauteuil roulant. Les symptômes tels que les spasmes, les difficultés respiratoires ou la difficulté à marcher peuvent tous entraîner un besoin accru en calories ou en protéines. Dès lors, ces facteurs importants doivent être pris en compte pour établir le bon programme nutritionnel pour un patient.

Question : Que se passe-t-il si une personne atteinte de SLA n’a pas un apport calorique ou nutritionnel suffisant?
Mme Arunasalampillai : Pour certains patients, lorsque l’apport oral est insuffisant pour répondre à leurs besoins nutritionnels, qu’ils présentent un risque élevé d’aspiration de corps étranger en raison de graves difficultés de déglutition ou que leur capacité vitale forcée approche les 50 %, une alimentation par sonde peut être recommandée.iii L’alimentation par sonde peut aider à répondre aux besoins nutritionnels, à stabiliser le poids, à réduire l’anxiété liée aux repas, à conserver l’énergie et à améliorer potentiellement la survie.

Question : Où peut-on trouver de plus de renseignements sur la nutrition dans la SLA?
Mme Arunasalampillai : Si une personne atteinte de SLA n’a pas accès à un nutritionniste ou à un diététicien dans sa clinique, elle peut être orientée vers un diététicien par son professionnel de la santé.

Vous pouvez également consulter le site de la Société canadienne de la SLA ou de SLA Québec, qui disposent de renseignements et de ressources supplémentaires concernant la nutrition des personnes atteintes de SLA.

Travailler avec les personnes touchées par la SLA est incroyablement enrichissant. Les personnes atteintes de SLA, ainsi que leurs soignants et leurs familles, apprécient et célèbrent chaque victoire, chaque objectif atteint. Cela fait plaisir de voir que le travail que vous faites les aide à réaliser quelque chose qui peut sembler insignifiant pour certains, mais qui est énorme pour eux.

i Shimizu T, Nakayama Y, Matsuda C, Haraguchi M, Bokuda K, Ishikawa-Takata K, Kawata A, Isozaki E. Prognostic significance of body weight variation after diagnosis in ALS: a single-centre prospective cohort study. J Neurol. Juin 2019;90(6):666-673.

ii Moglia C, Calvo A, Grassano M, Canosa A, Manera U, D’Ovidio F, Bombaci A, Bersano E, Mazzini L, Mora G, Chiò A; registre du Piémont et du Val d’Aoste pour la SLA (PARALS). Early weight loss in amyotrophic lateral sclerosis: outcome relevance and clinical correlates in a population-based cohort. J Neurol Neurosurg Psychiatry. Juin 2019;90(6):666-673.

iiiChristen Shoesmith, Agessandro Abrahao, Tim Benstead, Marvin Chum, Nicolas Dupre, Aaron Izenberg, Wendy Johnston, Sanjay Kalra, Desmond Leddi, Colleen O’Connell, Kerri Schellenberg, Anu Tandon, Lorne Zinman. Canadian best practice recommendations for the management of amyotrophic lateral sclerosis. CMAJ. Nov 2020;192(46):E1453-E1468.