Le rôle des soins spirituels dans les cas de SLA : questions et réponses avec Lana Kim McGeary

intervenante en soins spirituels à la clinique spécialisée dans la SLA du Centre universitaire de santé McGill (CUSM)

août 8, 2023
Headshot - Lana

Les besoins spirituels font partie de la vie et un(e) intervenant(e) de soins spirituels joue un rôle important au sein d’une équipe multidisciplinaire chargée de la SLA. Nous nous sommes entretenus avec Lana Kim McGeary qui est une intervenante en soins spirituels au sein de l’équipe de la clinique spécialisée dans la SLA du CUSM depuis 13 ans, pour parler du rôle des soins spirituels et comment ceux-ci peuvent aider les personnes atteintes de SLA, leurs aidants et leurs proches.

Q : Que sont les besoins spirituels? Comment les définiriez-vous?

Lana : Les besoins spirituels font partie de la vie et sont integral a l’aventure humaine depuis le début. Il s’agit de la façon dont vous voyez le monde, de ce qui apporte un sens à votre vie et de ce qui vous aide à surmonter les difficultés de celle-ci. Les besoins spirituels varient d’une personne à l’autre, mais tout le monde en a, même les personnes qui ne sont pas ouvertement religieuses. Ces besoins peuvent être en lien avec la famille, le travail ou un autre domaine de la vie. Ils peuvent s’exprimer d’une multitude de façons, par l’art, la musique, la nature et/ou la communauté.

 

Q : Qu’est-ce qui est spécifique aux soins spirituels cliniques?

Lana : Les soins spirituels sont un service clinique non confessionnel qui s’adapte aux besoins d’un travail effectué en milieu hospitalier. Pour devenir un intervenant en soins spirituels, vous devez être titulaire d’un baccalauréat en sciences spirituelles et religieuses, en théologie, ou dans un autre domaine connexe et avoir effectué au moins un stage clinique de 800 heures dans un milieu hospitalier. De plus, au Québec, mon mandat vient des patients et des aidants et non d’une quelconque institution religieuse. Cela signifie que les soins spirituels sont tout aussi pertinents pour un libre penseur que pour une personne qui appartient à une institution religieuse. La pastorale, quant à elle, est pratiquée au sein d’une institution religieuse spécifique, où la personne est formée pour apporter de l’aide dans ce cadre communautaire; elle nécessite en outre un mandat de la part d’une institution religieuse.

Mon mandat vient des patients et des aidants.

Q : Comment une personne atteinte de SLA peut-elle bénéficier de soins spirituels?

Lana : J’aide les gens à puiser dans leurs ressources intérieures et extérieures et à les adapter lorsqu’ils sont confrontés à des problèmes de santé et à des questions d’identité et de vision du monde. Certains de ces problèmes peuvent être en lien avec la justice et l’injustice, les questions telles que « pourquoi moi? » et « quelle est la valeur de ma vie alors que mes capacités physiques changent? », « à quoi ressemble l’appartenance alors que ma capacité à être “productif” extérieurement change? » Les questions spirituelles peuvent devenir très importantes, car elles aident l’équipe clinique responsable de la SLA à comprendre les choses qui tiennent à cœur à une personne. Nous pouvons les aider à créer des structures pour protéger et cultiver une qualité de vie le plus longtemps possible, même avec les changements et les pertes de capacités physiques qui accompagnent la SLA.

Q : Comment travaillez-vous avec les personnes atteintes de SLA, leur famille et leurs aidants au cours de l’évolution de la maladie?

Lana : En général, je rencontre les personnes lorsqu’elles entrent à la clinique et je les suis, ainsi que leurs aidants, tout au long de leur parcours. Il m’arrive de rencontrer des personnes chez qui la SLA a été diagnostiquée, ainsi que leurs aidants ou les membres de la famille qui ont des niveaux d’acceptation de la maladie différents. Il peut en résulter une dynamique complexe, susceptible d’entraver la communication, la connexion et la qualité de vie, et de créer des conflits au sein des familles.  Même si la personne diagnostiquée est atteinte de la SLA, c’est souvent toute la famille qui vit l’expérience de la SLA avec elle.

L’un des avantages qu’un intervenant de soins spirituels peut procurer est d’offrir un espace où les personnes peuvent partager leurs sentiments honnêtement et ouvertement. Les personnes n’ont pas besoin de faire attention à ce qu’elles me disent ou se préoccuper de la réaction que je vais avoir. Parfois, je vois une personne atteinte de SLA et son aidant séparément pour leur permettre d’exprimer réellement leurs sentiments sans filtre. Par exemple, une séance avec un aidant seul à seul lui donne la possibilité d’exprimer ses sentiments, que ce soit la colère, la frustration, la peur ou le chagrin. Ils peuvent être aux prises avec le fait d’assumer des tâches qui étaient auparavant effectuées par la personne atteinte de SLA, tout en se sentant dépassés à l’idée de devoir vivre sans leur proche. Être capable d’exprimer ce sentiment ouvertement sans se soucier de ce que ressentira le proche peut soulager une partie de la souffrance. S’ils sont d’accord, je peux ensuite les recevoir ensemble pour favoriser une communication ouverte.

Q : Quelles sont les choses que les personnes atteintes de SLA, leurs aidants, leurs proches peuvent faire pour intégrer les soins spirituels à leur vie de tous les jours?

Lana : Ils peuvent s’asseoir seuls ou avec leurs proches et réfléchir aux réponses qu’ils donnent aux questions suivantes :

    • Qu’est-ce qui donne un sens à ta vie?
    • Quand et où est-ce que tu es heureux?
    • Qu’est-ce qui est sacré pour toi?
    • Qu’est-ce qui t’apporte de la joie?
    • Quelles sont les choses dont vous ne pouvez pas vous passer?
    • Quelles sont les choses dont tu pourrais te passer?
    • Comment définissez-vous la qualité de vie?
    • Quels sont le but et la valeur de la vie?
    • Qu’est-ce qui vous aide à surmonter les moments difficiles?

Q : Comment collaborez-vous avec l’équipe multidisciplinaire chargée de la SLA?

Lana : En tant qu’intervenante de soins spirituels, je rappelle toujours au sein de la clinique que les personnes atteintes de SLA sont des personnes complexes avec des histoires, des défis et des antécédents. Je recueille ces histoires auprès des personnes atteintes de SLA et de leurs aidants et leur donne de l’importance. Si ces histoires sont pertinentes pour leurs soins et que j’ai l’autorisation de la personne, je peux les communiquer à l’équipe afin que nous puissions prendre ces besoins en considération lorsque nous procurons des soins.

Je rappelle toujours au sein de la clinique que les personnes atteintes de SLA sont des personnes complexes avec des histoires, des défis et des antécédents.

Par exemple, je peux rencontrer une personne au moment où elle reçoit son diagnostic, créer un lien avec elle, comprendre ses motivations et la suivre tout au long de l’évolution de la maladie. Ainsi, lorsqu’une étape d’intervention est nécessaire, il se peut que je dispose d’informations utiles provenant de conversations précédentes avec le patient que je peux partager avec l’équipe. D’un point de vue extérieur, il peut sembler que rien ne se passe, mais comme mon superviseur l’a souvent dit, les soins spirituels, c’est empiler du bois 90 % du temps pour être présent les 10 % du temps où quelqu’un a besoin de vous.