Mon passage d’athlète à guerrière de la SLA

juin 9, 2022
Taya

Par Taya Jones – patiente, mère, militante et guerrière

À ce moment-là, le monde s’est ralenti autour de moi, lorsque j’ai entendu les mots sortir de la bouche du neurologue : « Vous êtes atteinte de SLA ». J’étais choquée. Je ne pouvais pas croire ce que j’entendais. Qu’est-ce que cela pouvait bien signifier pour moi, mère célibataire de trois enfants, athlète d’endurance et, en général, personne en très bonne santé? Ça avait l’air irréel.

C’est le 17 septembre 2018 que nos vies ont changé à jamais. Qui aurait cru qu’à travers le chagrin, le traumatisme, les peines de cœur et les défis, je serais capable de méditer aujourd’hui sur certains des cadeaux que ce diagnostic m’a apportés?

Permettez-moi de vous présenter mon parcours, depuis l’apparition des premiers symptômes jusqu’au diagnostic. Si le parcours de chacun est différent, j’espère que les obstacles que j’ai rencontrés et les enseignements que j’ai tirés pourront vous aider, vous et votre famille. Ensemble, nous pouvons vaincre la SLA. Ensemble, nous sommes plus forts.

Commençons donc par les premiers symptômes que j’ai remarqués. Après un entraînement du genre militaire, je suis retournée au bureau et je ne suis pas parvenue à mettre une pince à dessin sur une pile de papiers. À l’époque, je n’y ai pas vraiment prêté attention. J’avais beaucoup de travail et j’ai pensé que c’était juste une faiblesse due à mon entraînement.

Taya

Avec le recul, je ressentais des symptômes similaires depuis un certain temps, comme des crampes à la main lorsque je tenais un couteau, mais ça n’avait pas l’air grave, alors je les ai simplement ignorés.

Le problème avec la SLA, c’est qu’il n’y a pas deux personnes identiques, et il est donc difficile de déceler les premiers signes. Une certaine faiblesse de la main, une raideur musculaire, voire des maux de tête ou de la fatigue, peuvent être des signes avant-coureurs facilement ignorés.

J’ai d’abord consulté un médecin urgentiste au début du mois de juillet, sur les conseils de ma chiropraticienne à qui j’avais parlé de la faiblesse ressentie dans ma main. Le médecin a mentionné la sclérose en plaques (SEP) comme une cause possible et m’a orientée vers un neurologue. J’ai insisté pour demander une IRM – la première des nombreuses fois où j’ai dû plaider ma cause – et j’ai eu gain de cause, mais il m’a dit que cela pouvait prendre des mois.

J’ai appelé le service d’imagerie tous les jours pour voir s’ils avaient eu une annulation, et grand bien m’en a pris : j’ai eu un rendez-vous quelques jours plus tard. Les résultats de l’IRM ont exclu la SEP.

Le mois suivant, j’ai subi une série de tests vertigineuse pour écarter les maladies les plus courantes. D’innombrables flacons de sang prélevés et analysés, de multiples tests d’électromyographie (EMG), une deuxième IRM et une ponction lombaire, ce qui est loin d’être de tout repos.

J’ai dû défendre mes intérêts à chaque étape pour obtenir les tests dont j’avais besoin, et ce, dans les meilleurs délais. Je me souviens que lorsque je suis allée faire la ponction lombaire, mon médecin m’a dit : « Je viendrai la faire pendant mon jour de congé, mais je n’ai pas de salle. » Ce jour-là, je suis donc allée au bureau des soins ambulatoires et je leur ai dit : « Il nous faut une salle pour une ponction lombaire. » La femme à la réception, choquée par ma demande, m’a répondu : « Ce n’est pas comme ça qu’on fait les choses », ce à quoi j’ai répliqué : « C’est vrai, mais c’est comme ça qu’on va faire aujourd’hui. »

Le dernier test avant que je reçoive mon diagnostic le 17 septembre 2018 fut un EMG : j’avais la SLA. Ma première pensée a été pour mes trois enfants et ce que cela signifiait pour eux.

Ce rendez-vous a été un flou total d’émotion et d’incrédulité. On a la tête qui tourne pendant un moment. Accepter le diagnostic est un processus différent pour chacun d’entre nous. En ce qui me concerne, j’ai compris que je devais me concentrer sur ce que je pouvais contrôler. Malheureusement, même plus de 80 ans après que Lou Gehrig a perdu son combat contre la SLA, cette maladie est toujours mortelle à 100 %.

Il faut essayer de se faire à l’idée de l’issue de la SLA assez rapidement afin de pouvoir continuer à apprécier ce qui se trouve juste devant soi.

Avec le recul, j’ai eu la chance que mon diagnostic ne prenne que deux mois. La SLA est un diagnostic d’exclusion et, pour beaucoup, il peut s’écouler jusqu’à deux ans avant de recevoir un diagnostic de SLA. Pour une maladie où chaque instant compte, c’est un temps précieux que les personnes atteintes de SLA ne doivent pas perdre. Plus tôt vous recevrez un diagnostic, et plus tôt vous l’accepterez, plus tôt vous pourrez commencer à gérer la maladie et trouver le soutien dont vous avez besoin.

J’ai appris en cours de route qu’il faut défendre ses intérêts à tout moment. Quand quelqu’un dit non, je réponds : « Pourquoi donc? » et j’insiste, encore et encore. Vous êtes votre meilleur défenseur.

La SLA prend beaucoup à ceux qui sont touchés par la maladie, et elle vous prive progressivement de votre fonction musculaire volontaire. À ce jour, elle a pris toute la force de mes mains, de mes bras et de mes épaules. Mes enfants, mes meilleures amies Paige et Alysia, et ma PAB, Elba, m’aident à faire mes repas, car je ne peux plus préparer ma nourriture ni cuisiner. La SLA rend les tâches quotidiennes presque impossibles, et j’ai besoin d’aide pour presque tout.

La maladie continuera à progresser, mais elle ne pourra pas m’enlever l’amour, l’intelligence, la ténacité et, surtout, les souvenirs que je crée chaque jour avec mes enfants et mes proches.

Les défis que je dois relever sont aussi faits de cadeaux. J’ai appris à voir le bon côté des choses. J’ai découvert qu’il est préférable d’être reconnaissante et de se concentrer sur ce que j’ai plutôt que sur ce que je n’ai pas. Je vis au jour le jour. J’ai adopté une sorte de mantra : « Ce qui doit arriver arrivera et je m’en occuperai quand ça arrivera. » Maintenant, j’arrive beaucoup mieux à vivre le moment présent.

Aujourd’hui, j’en suis à ma quatrième année de vie avec la SLA, et j’ai survécu à la fois à mon diagnostic et au pronostic de nombreuses personnes atteintes de cette maladie. Mais je sais où mon voyage se termine. Au même endroit que pour toutes les personnes atteintes de SLA depuis que la maladie a été identifiée pour la première fois en 1869.

Je partage mon histoire pour sensibiliser le public à cette maladie, car nous avons besoin de plus de fonds pour la recherche afin de transformer un diagnostic de SLA de terminal à traitable. La sensibilisation et le financement permettront d’effectuer des recherches indispensables. Grâce à la recherche, il y a de l’espoir pour les quelque 3 000 Canadiens et leurs familles qui sont touchés par cette maladie dévastatrice.

Pour en savoir plus sur la SLA, consultez les ressources supplémentaires sur le site Parcours SLA.

Malheureusement, après la publication de cet article, Taya Jones est décédée le 7 août 2022 des suites de sa SLA.